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Entretiens avec Sasaki Senseï

interview issu d’iomag *

Fusako Von Hoegen : Pourriez-vous préciser le lien entre la globalité, la transformation et le Ki ?

Kensunori Sasaki : L’attitude orientale ancienne consiste à essayer de faire le tour de la totalité des phénomènes et de comprendre, à une grande échelle, l’interaction des choses. Je pense que la raison pour laquelle la science orthodoxe occidentale ne « comprend » pas le concept de Ki est que celui-ci n’est pas dualiste**. Pour les Orientaux, un objet n’est pas une chose qu’on doit analyser en soi et pour soi. L’approche orientale n’est pas intéressée dans les détails de la structure interne d’un objet ou dans les processus prenant place au sein d’objets isolés. L’approche orientale essaie d’expliquer le processus de transformation de l’énergie en tant qu’illustration de la réalité. Cette idée ou image de la réalité est concernée par les processus globaux.

Quant au concept du Ki, le Ki est tout et se trouve dans tout. C’est l’ensemble des phénomènes mais aussi une partie de chaque chose qui existe. Même si quelque chose semble sans vie, elle contient néanmoins sa part de Ki.

Mais cette description est trop obscure, parlons donc du Ki dans la vie des humains. Prenons l’exemple de la respiration. Nous ne sommes pas intéressés à l’existence de l’oxygène pour lui-même, mais par son effet dynamique sur l’organisme, sa capacité d’être assimilé. C’est une sorte de nourriture pour nous. Autrement dit, l’élément oxygène et les molécules qui le composent, ne nous intéressent pas. Ce qui nous intéresse, c’est comment l’oxygène réagit en nous avec d’autres éléments et comment cela affecte notre organisme.

Voici un exemple tiré de notre vie sociale quotidienne : supposez que quelqu’un se mette en colère et ne puisse exprimer sa colère ; ou supposez que quelqu’un essaie de comprendre quelqu'un d'autre, mais en soit incapable. Nous, les Orientaux, nous désignons ces problèmes sous le nom de « blocage de l’énergie ». Ainsi, nous considérons qu’une personne s’exprime par une forme d’énergie et, quand elle a des difficultés à s’exprimer, nous considérons que son énergie est bloquée.

Un autre exemple de ce que nous signifions en parlant de Ki se manifeste dans les problèmes qu’ont certains à s’adapter à leur environnement. Ils ont des problèmes quand le temps change, quand ils déménagent ou partent en vacances ; ils ont des problèmes à s’adapter à une modification de leur environnement psychologique (dans leur travail, leurs relations, etc..). De tels problèmes d’adaptation sont considérés comme des blocages d’énergie.

Le Ki est invisible, mais nous l’observons par la façon dont il nous affecte. Il modifie notre forme visible. Regardez simplement autour de vous. Vous pouvez bien souvent dire ce qui trouble une personne à la façon dont son dos est voûté. Sa tête engorgée de rouge, son cou de taureau, nous disons que cette personne est prompte à la colère et qu’elle a des problèmes avec son cœur et sa pression sanguine. Tel est le Ki pour nous. Le Ki n’est ni l’être lui-même, ni son esprit, ni ses organes isolés ; ce n’est pas non plus son corps tout entier, ni le climat, l’atmosphère, le vent, la chaleur, le soleil, ni toutes ces choses qui nous influencent de l’extérieur. Toutes ces choses sont la manifestation du Ki.

 

 

* magazine de l’école Iokai des années 90 édité par Thierry Camagie et Jean-Marc Combe

** Une vue dualiste de la vie, trait dominante de la pensée occidentale, conduit à regarder les choses d’une certaine façon. A n’est pas B ; B n’est pas A. A est seulement A, B est seulement B. Il n’est pas inexact de voir A et B comme distincts, isolés l’un de l’autre et des autres objets. Mais la différence entre l’attitude orientale et le point de vue dualiste tient en ce que les Orientaux tendent à souligner la façon dont les choses interagissent les unes avec les autres. Ils regardent alors l’activité de cette interaction pour voir si cette activité influence la personne et sa santé. C’est ce que Senseï veut dire en parlant d’une attitude globale envers la vie. L’activité de cette interaction entre les choses peut être vue comme une manifestation du Ki. Le mouvement écologique peut être vu comme un exemple d’une vue « globale » de la vie qui a ses origines dans la pensée occidentale. Ceci pour dire que la pensée orientale n’a pas le monopole de la pensée globale.